Soucieux d’améliorer le fonctionnement de ses processus RH, ORANGE publie « les 9 incontournables de l’Entretien Individuel (d’évaluation)» : Dialogue, limitation des objectifs individuels (4 pour les objectifs quantitatifs, deux pour les qualitatifs), prise en compte des compétences, de la formation, etc…
Tout y est.
Mais rien ne va plus : l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Explications avec un exemple vécu (les noms et services ont été changés) :
Jacques et Jean travaillent en support back ground dans un service marketing. Ils doivent résoudre les PB de relation et de mise au point que leurs donneurs d’ordre (les collègues en front office) peuvent rencontrer. Sans leur travail, le service ne peut fonctionner.
Jacques part en congé prolongé pour 1 an. Ses chefs demandent à Jean de prendre la charge de travail de Jacques « à titre provisoire, pour trois mois ». Jean accepte. Au bout de trois mois. Jean réclame de l’aide. Silence managérial. Au bout de 6 mois, Jean épuisé par la surcharge de travail rue dans les brancards et refuse les demandes de ses collègues qu’il n’arrive plus à traiter.
Il est convoqué par son DRH et son directeur qui refusent d’entendre ses réclamations et lui déclarent, non sans cynisme, qu’au vu de son comportement et de la non atteinte de ces (nouveaux) objectifs, il sera sanctionné pour mauvais esprit (d’équipe) et son travail sera noté insuffisant dans son entretien individuel.
Pendant ce temps, ses managers : ont économisé le coût d’un poste de travail plus le montant des primes, qu’ils n’alloueront ni à l’un ni à l’autre, ils ont prévu que Jean, dégoûté, quittera le service, et ils pourront rejouer la même farce à Jacques à son retour pour au final en tirer les mêmes bénéfices.
Pourquoi les « 9 incontournables » ne peuvent pas supprimer de telles dérives, qui sont loin d’être des cas particuliers et qui ne sont pas spécifiques à ORANGE ? Parce que le principe de l’Entretien Individuel d’Evaluation laisse libre cours à l’arbitraire :
Il ne permet pas au travailleur de faire reconnaître son travail réel face au travail prescrit, car le donneur d’ordre est en même temps son propre recours et décide seul de la « note », c’est à dire de la reconnaissance finale. « Quoniam nominor leo« .
C’est d’ailleurs ce que ORANGE rappelle elle même à ses managers : ils peuvent valider seuls en dernier recours l’entretien de leurs salariés. Et s’assurer ainsi à peu de frais la tenue des objectifs du nouveau contrat social !
Dans ces conditions l’évaluation du personnel reste un moment à risque pour la santé des travailleurs.